La galerie Taglialatella propose pour cette nouvelle exposition un voyage au coeur de la grande pomme rythmé par les artistes des années Pop Art à nos jours. Le souhait est d’explorer comment les maîtres du Pop Art et les contemporains ont pris place dans la ville, comment ils ont contribué à son mythe à travers leur représentation : que ce soit en sublimant l’architecture, en rendant hommage aux figures mythiques ou en soulignant le caractère anecdotique de certains lieux. Tous ces artistes ont participé, encore aujourd’hui, à insuffler cet héritage artistique riche et fascinant propre à New York.
New York, ville des possibles, s’est construite autour d’une effervescence artistique de façon quasi-inédite.
La particularité de cette mégalopole est d’oser, de rompre avec tout « standing » pour sans cesse tendre vers l’innovation et le hors du commun.
Le nom-même de la ville semble évoquer son caractère avant-gardiste qui a fédéré son succès à travers le monde.
C’est un double effet, un tutoiement entre la ville et ses habitants, une complicité qui a fait de la scène artistique new yorkaise ce qu’elle est, une alliance parfaite entre la modernité de la ville et l’audace de ses artistes. L’architecture de la ville, le mode de vie décalé appellent à la modernité et au souffle créatif et c’est précisément à cet appel que répondent les artistes, des années 60 à aujourd’hui.
C’est d’ailleurs en ces lieux qu’est né l’un des courants artistiques les plus novateurs, celui qui a d’une certaine manière marqué une rupture avec les « beaux-arts »...
POP ART
C’est en effet avec évidence, dans une continuité naturelle que le Pop Art, courant artistique résolument contemporain, a pris racine à « Big Apple ». C’est ici que tout commence, des courants antérieurs ont certes préparé le terrain, déjà Robert Rauschenberg et Jasper Johns avaient signalé la route vers ce besoin de renouvellement et d’audace que marque l’expressionisme abstrait.
Le Pop Art s’inscrit non seulement dans cette évolution historique mais la particularité majeure du courant est de s’approprier la ville, de s’en inspirer voire de prendre son essor dans sa façon de se construire en son sein. Le Pop Art incarne les ressources culturelles, physiques, architecturales de NYC...
Dans les années 60, la singularité d’Andy Warhol n’est pas seulement sa vision très moderne, voire inédite, de l’art; ni son expression sans limite: la peinture, la photographie, la musique, le cinéma, tout se confond; ni même le procédé de sérigraphie pourtant novateur, tant dans sa façon de redéfinir l’Art que de semer la confusion, en mêlant photographie et peinture.
Ce qui révolutionne vraiment l’approche artistique du courant, c’est la naissance d’un lieu mythique de création et d’expérimentation.
En Janvier 1964, au 231 East sur la 47ème avenue, La Factory de Warhol ouvre ses portes pour déménager en 1968 au 33 Union Square West. L’atelier de Warhol symbolise avec force la scène artistique new yorkaise telle qu’on la connaît, c’est-à-dire en constante mise à l’épreuve de l’Art. New York accueille ses artistes qui s’impliquent dès lors dans la dynamique artistique et créatrice de la ville et lui rendent ainsi hommage à leur façon.
Ainsi, Warhol fait du Brooklyn Bridge une œuvre, tout d’abord matériellement puis symboliquement. Interpellé par ce monument, héritage du mouvement De Stijl, prémices de la modernité, il s’en imprègne et le reproduit, mêlant ainsi la modernité de la ville à celle de son Œuvre. Warhol s’inspire de New York et de son mode de vie typiquement américain, empreint de consommation de masse et dont l’esthétisme physique a la primeur, il explorera et testera les limites avec son ami et photographe Christopher Makos en s’essayant au transgenre.
En 1966, une autre figure majeure du Pop Art, Robert Indiana, orne la ville de ses monumentales sculptures « LOVE », sur la 6th avenue et devant la célèbre maison de vente Phillips De Pury. Le « LOVE » signature de l’artiste prend tout son sens au sein de l’ « Empire State » comme un clin d’œil à la chaleur de ses habitants et à l’humanité qu’on lui prête.
Car si à l’origine cette sculpture LOVE est créée par l’artiste en hommage au Love Park à Philadelphie, elle représente l’art populaire présent dans la sculpture or selon l’artiste l’art réveille l’amour que les gens portent en eux à condition qu’ils le côtoient tous les jours, et curieusement dans l’inconscient collectif, cette sculpture est aujourd’hui associé à New York.
Car si «Big Apple» est le symbole de l’urbain lequel est souvent associé à la déshumanisation, le tout New York est unanime pour dire que les rencontres y sont faciles et les gens accessibles.
Underground
Un enthousiasme artistique qui perdure dix ans plus tard malgré un contexte économique fragile. En effet, la fin des « trente glorieuses » et le premier choc pétrolier jouent défavorablement, faisant de New York une ville laissée à l’abandon, appauvrie dans laquelle drogue, violence, déchéance sont les maîtres mots. Mais, c’est justement ce contexte instable que vont exploiter les artistes, profitant de la profusion de lofts à l’abandon downtown et d’un art minimaliste qui s’essouffle de plus en plus.
Le besoin de renouveau artistique qu’éprouve la ville et le potentiel d’une génération qui ne demande qu'à s’exprimer par l’art vont donner lieu à la culture « underground ». C’est par le graffiti que l’on s’approprie la ville dès lors, une façon d’interpeller le milieu artistique établit entre Soho et l’East Village. Des signatures telles que Taki 183, Stay High 149, Tracy 168, Akmy, Futura 2000, Lee Quinones, Seen, Fab Five Freddy ainsi
que Samo© et Keith Haring ornent peu à peu les murs et les métros de la ville avant de s’afficher sur les cimaises de galeries naissantes telles que la Fun Gallery ou la Tony Shafrazi Gallery.
C’est d’ailleurs dans les souterrains de la ville que Keith Haring « fait ses armes » avant d’exposer pour la première fois en 1982 à la Shafrazi Gallery. Le « subway » emprunté par des millions de new yorkais chaque jour fait office de musée pour l’artiste du « radiant baby » qui voit dans l’art quelque chose d’universel, dénué de toutes barrières économiques et sociales.
Les « Subway Drawings » sont une partie importante de l’Oeuvre de Haring symbolisant le rapport particulier qu’il entretient avec la ville. Haring est un homme de « terrain », des souterrains du métro aux trottoirs de l’East Village sur lesquels il grave, la ville toute entière est prétexte { faire de l’art et en 1986 c’est dans le quartier de Soho qu’il ouvre son premier « Pop Shop ».
La même année, il crée « Statue of Liberty » pour l’occasion du centenaire de l’édifice une façon pour lui de montrer combien il est attaché à sa ville et à son principe de liberté.
La culture « underground » s’installe peu à peu dans les mœurs du milieu de l’art pour devenir un mouvement esthétique officiellement reconnu, comme si la rue, la ville et l’art ne forment plus qu’un tout homogène.
Jean-Michel Basquiat incarne également cette nouvelle culture artistique, de ses débuts en tant que Samo© sur les murs de la ville à l’apogée de sa carrière en tant que Jean- Michel au sein des plus grandes galeries. Une grande partie de son Œuvre est empreinte de la « street life » new yorkaise. Entre 1980 et 1982, il s’attache à peindre ce qu’il voit dans la rue, des voitures, des bâtiments, des graffitis mais aussi la mort, à cette époque, le SIDA, la drogue sont le lot de sa génération et Basquiat en a pleinement conscience. Pour Jean-Michel s’exprimer sur les murs est le moyen de se faire connaître mais aussi de faire de la ville un lieu « libre » n’appartenant à personne comme à tout le monde.
Souvent vêtu de ses costumes « Comme Des Garçons » beaucoup, dont son ami Glenn O’Brien, témoignent de sa singularité et de son goût pour le décalé, il est à l’image de New York, lieu d’originalité et d’avant-garde.
A cette époque la scène new yorkaise s’ouvre sur de nouvelles perspectives, une proximité s’établit entre les différents domaines, la peinture, la photographie, le cinéma, la musique, la mode, les artistes s’essayent à tout. Une impulsion lancée plus tôt par Warhol, figure emblématique de « l’artiste touche à tout ». Dans cette lignée, Jean-Michel Basquiat s’essaye à la musique avec son groupe « Gray » et se prête aussi au jeu d’acteur dans « Downtown 81 » d’Edo Bertoglio.
C’est un New York « bohème » qui, telle une muse inspire ses artistes, au « Mudd Club » ou au « Studio 54 » le monde de l’art se retrouve, célébrités et anonymes se côtoient pour laisser place à un univers sans frontière.
C’est en ce sens que « Big Apple » est la ville de l’art par excellence, avant-gardiste, s’ouvrant toujours plus sur la modernité, avide d’originalité, préférant la « New Wave » au classique, elle laisse libre cours à ses artistes qui s’expriment pleinement, elle redéfinit la fonction de l’artiste en lui conférant le droit à la polyvalence, il peut être tout à la fois.
Les contemporains
Les plus contemporains oscillent entre innovation et nostalgie, pour l’artiste Land Art Javacheff Christo cela passe par l’aménagement de Central Park lors du Projet « The Gates » en 2005, une installation de plus de 7500 voiles en nylon couleur safran qui embellit le parc par un jeu de lumière.
Plus nostalgique des années « Sex Drug and Rock’n’roll », Russell Young représente les icônes de l’époque par le procédé de la sérigraphie qui n’est pas sans rappeler Andy Warhol.
Dans les œuvres de Russell Young, on retrouve l’hommage à des icônes qui ont laissé une empreinte intemporelle dans la ville : de James Dean, figure emblématique de l’« Actor Studio » de Broadway, à Marilyn dont on connaît ses nombreux séjours avec le dramaturge Arthur Miller entre les murs de la chambre 614 du Chelsea Hotel.
La série des « Pig Portraits » de l’artiste se plaît notamment à dévoiler le côté obscur des figures légendaires avec notamment l’arrestation de Frank Sinatra (pour adultère), qui fit ses débuts au Paramount Theater, et qui exprimera sans cesse l’amour pour « Big apple ».
Ou encore le bassiste des Sex Pistols Sid Vicious, arrêté en 1978, accusé du meurtre de son amie Nancy Pungen dans la chambre 100 du mythique Chelsea Hotel.
Le Chelsea Hotel est l’un de ces lieux mythique de création, chanteurs, acteurs, écrivains s’y retrouvent, depuis sa création en 1905. C’est le refuge des artistes, en 1966 Warhol y tourne « The Chelsea Girls », film expérimental symbole de la culture underground de l’époque. A travers le temps, New York est un lieu d’effervescence artiste, tous y viennent pour tenter leur chance, stimulés par le mythe de l’ « Empire State », avec l’espoir de s’approprier la ville à l’instar des plus grands...