L’influence et le rôle d’Andy Warhol (1928-1987) quant à la transition entre l’art du 20ème siècle et l’art contemporain sont des fondamentaux que le musée d’Art Moderne de Paris a choisi de mettre en exergue cette année à travers son exposition "Warhol Unlimited".
Initiateur, source d’inspiration éternelle et inépuisable, Warhol est porteur d’une vision aujourd’hui essentielle au monde de l’art.
Pour cette nouvelle exposition de la galerie Taglialatella, référence incontournable du Pop Art à Paris et de son rayonnement sur l’Art contemporain, Nadège Buffe a choisi de mettre en regard l’artiste phare de la galerie : Warhol, "Pape du Pop Art Américain", avec Aurèle, témoin contemporain français de la mouvance Pop.
Véritable porte-parole du New-York des années 80, Aurèle a baigné dans l’ambiance d’une ville en mutation, propice à de nombreux bouleversements culturels et artistiques.
Il rencontre Andy Warhol en 1986 alors même qu’il découvre ce qui deviendra l’acteur de son message, son totem, le lost dog.
"Au sommet d’un réverbère, il y avait une affiche, un Wanted, celui d’un chien perdu. Il y avait là tous les mots et maux de nos vies : 100 dollars, Reward, Friendly, Wanted, Lost, Lost, Lost."
Il l’explore sous toutes ses formes: photographie, peinture, sculpture, vidéo, installations...
Métaphore de nos errances modernes, c’est selon lui “une façon de montrer que la perte et l’errance sont des moments de recherche et de création, qu’ils apportent une énergie nouvelle, ouvrent de nouveaux chemins et posent de nouvelles questions.”
Concernés et ultra-sensibles, c’est à travers les thèmes abordés dans leurs Œuvres respectives que l’on découvre leur difficulté à accepter la part tragique de l’histoire sociale.
"Certaines personnes, même des personnes intelligentes, disent que la violence peut être belle. Je ne comprends pas cela parce qu'il n'y a que de beaux instants et de tels instants ne sont jamais beaux pour moi." – Andy Warhol.
La préoccupation de Warhol quant aux problématiques majeures de son époque est révélée entre autres dans ses portraits troublants de Jackie Kennedy après l’assassinat de John Kennedy, ou encore ses chaises électriques. Il l’exprimera cependant très souvent à coups de couleurs vives, avec une esthétique qui insuffle à ses oeuvres une légèreté presque désinvolte.
Aurèle s’est lui aussi construit un univers très coloré, tantôt ironique, tantôt provocateur, mais toujours débordant de sens.
Après la série "Chantons sous la pluie" réalisée en 2011 et qui interroge sur le péril écologique qui guette le monde après la catastrophe de Fukushima, il offre deux nouvelles œuvres dont le Lost Dog est toujours le symbole : l’une s’appelle " 7 janvier 2015 ", l’autre " 13 novembre 2015 ".
" Depuis 1987, je fais des chiens perdus comme d’autres lancent des bouteilles à la mer en espérant que le message arrivera aux bons destinataires. Face au désordre, à la surconsommation et à l’incertitude de la société contemporaine, le chien perdu questionne les acteurs que nous sommes sur les enjeux et les responsabilités de notre civilisation, mais toujours avec humour et philosophie ".
Humour et philosophie, audace et singularité, maîtres mots d’Aurèle, qui n’hésite pas à bousculer les institutions du monde de l’art, avec son néon "Pourquoi je ne suis pas à la Gagosian?".
Un recul, un sens critique et une profondeur dont Warhol, hissé au rang d’icône, ne se départissait jamais.
Aurèle, à propos de l’exposition « Aurèle – Warhol ».
Si Andy Warhol est le pape du pop, Aurèle est le dalaï lama du LostDog (chien perdu).
A la différence de Warhol: regardez bien mes œuvres, il n'y a rien de plus que lui, rien en apparence mais à l'inverse de son travail, tout est derrière, à l'affût, en garde barrière, en chien de garde, en chien d'arrêt, les années 80 sont définitivement mortes, nous sommes déjà en 2025. La surface semble vide comme Andy mais le fond à la profondeur de nos turpitudes passées et actuelles. Je me fous du chien, la seule chose qui m'intéresse c'est qu'il soit perdu. Comme moi, comme toi, comme les générations futures, ce chien est perdu face au désordre du monde, il est perdu face aux guerres, aux épidémies, aux pollutions. Je le considère comme un sphinx du vingt et unième siècle, il est et a toujours été, c'est un miroir de la modernité, de notre modernité, c'est aussi mon double, mais c'est aussi notre reflet, c'est devenu mon logo, ma signature, mon gimmick comme on dit dans le rock and roll et c'est avant tout le symbole de ma résistance face à notre avidité, à notre égoïsme et à notre désir de détruire la planète pour poursuivre notre pseudo fantasme d'éternelle croissance aux détriments des générations futures, car ne l'oublions jamais: les enfants sont notre futur et nous aurons soyez en bien sûr, très bientôt, des comptes à leur rendre, et j'en suis convaincu, c'est pour demain, c'est même pour aujourd'hui. Le chien perdu c'est tout ça, derrière une surface bien lisse, comme l'époque l'aime. Punks are not dead et j'en suis une preuve bien vivante.
Auréle, Artic circle, décembre 2015