Actualites - 2020 - Chronique 1

Chronique №1
Peut-on vouloir une oeuvre d’art associée à l’idée du confinement?
La complexité de cette période nous a tous entraînés vers autre chose, cette expérience quasi universelle vécue en simultané dans presque tous les recoins du globe est teintée de choses si contradictoires... l’angoisse, l’incertitude, l’enfermement ont pu laisser place à une acceptation différente des choses, libératrice... et au contraire parfois à un refus de ce que l’on acceptait « avant », dans la résistance, sans une once de conscience de la charge que nous nous infligions... Cette parenthèse a conduit souvent à une perception nouvelle de nos vies, des Autres aussi, considérés l’espace de quelques semaines comme le danger ultime, s’approcher de l’Autre est devenu aussi risqué que de s’approcher du précipice, du feu ou d’un fauve... il faut ensuite revenir de tout cela, de l’enfermement, de l’altérité bafouée , les liens nouveaux qui se sont créés, ceux qui se sont défaits...

Et puis ce nouveau leitmotiv, cette devise nouvelle clamée haut et fort : « prendre le temps ». Il aura fallu une petite matière invisible pour bousculer jusqu’à l’illusion de nos fiertés... L’hyperactivite qui flattait nos performances physiques, intellectuelles et sociales est devenue une ancienne maîtresse toxique, il est toujours tentant d’y retourner mais une nouvelle voix intérieure nous a révélé que ce n’était pas si plaisant...

A-t-on envie d’une œuvre d’art qui incarne dans nos inconscients toutes ces contradictions que nous traversons?
A-t-on seulement envie d’y repenser? Puisque l’un des aspects de ces contradictions que nous connaissons bien est ce retour « à la normale » de nos esprits alors qu’au cœur de la crise nous croyons fermement que rien ne sera plus comme avant...

L’une des caractéristiques propres de l’Artiste est d’incarner une perception du monde et de faire bouger les lignes. Or quand une telle déflagration opère, il est évident que la fonction cathartique de l’expression artistique se mobilise et que l’artiste se mette en mouvement.

Parmi ceux qui découvriront ces œuvres, il y a les cyniques, ceux qui font toujours planer sur une démarche artistique la suspicion commerciale, ceux qui questionnent l’intégrité, l’appât du gain émotionnel, Les paranos de « l’effet de mode » les obsessionnels du « surfer sur la vague ». Ce procès d’intention envers certaines démarches, ces raccourcis, sont toujours un peu frustrants surtout s’agissant de certains artistes lorsque l’on sait à quel point leur démarche est noble, sincère voire éprouvée... et quand la vague est un tsunami? On ne peut plus surfer on coule, pour remonter il faut créer...
Y a-t-il eu des cyniques qui ont vu un effet de mode devant une « La Liberté guidant le peuple » ou un « Guernica« lorsque l’huile était encore fraîche? L’Histoire de l’Art regorge d’œuvres qui témoignent... Face aux sceptiques, le temps finit toujours par bien faire son travail et parfois des œuvres deviennent plus importantes que l’événement, la révolte ou la guerre dont elles sont le témoin....

C’est tout cela qu’inspire la série des Lunes et paysages de Lucas Ribeyron.
Son besoin cathartique de dire sa libération mentale...
D’évoquer son rapport au temps et à l’espace modifié.
D’explorer sa perte de la notion du temps comme plongé dans une nuit sans fin. 
De trouver une façon de raconter cette période où l’on voit les choses sous une autre lumière. 
Voici donc une « Pleine lune », chargée de symbolique, la lune des fous, l’enfermement et l’introspection.
Une lumière au bout d’un tunnel...

Ces lunes dialoguent avec des paysages.
Les paysages mentaux de Lucas, qui couchés sur le papier deviennent des souvenirs de voyages.
Ces moyens d’évasion prennent la couleur de paysages ambivalents, étranges et rassurants... 
Obscurs et lumineux...
L’attente de la fin d’une période avec la perspective du commencement de quelque chose de nouveau. 
Un personnage évanescent allant vers un nouveau monde.
Et puis dans ces images oniriques il y a le rapport aux astres...
Ces emblèmes de l’inexorable cyclicité de la nature.
Le monde créé par l’humain peut s’effondrer la nature continue son cycle. Cette adversité nous ramène à la condition humaine et devrait nous interroger aussi sur l’action de l’homme sur les Autres et sur son environnement....
Alors il reste l’artiste et son papier pour nous guider et sublimer l’obscurité de nos consciences...


Texte par Nadège Buffe

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