Lorsque le spectateur observe le trait brut et faussement enfantin des peintures de Basquiat il y voit une énergie bien particulière qui s’impose dans le mystère des symboles, des mots, des lettres barrées ou manquantes et des ossements parfois... Souvent on aime chez l’artiste la vivacité des couleurs qui tranchent avec les fonds sombres. La présence des œuvres est telle qu’il semblerait que quelque chose venu d’ailleurs vienne saisir notre âme. Cette présence quasi mystique est le fruit de multiples contradictions, celles d’un enfant du Monde qui questionne ses Origines et leurs Histoires, celles d’un artiste au talent indiscutable qui, sur la toile, embrasse d’une maladresse maîtrisée ses doutes sur la société et les ressorts de l’Humanité; Homme qu’il peint dans son anatomie comme une ironie du sort.
En effet, l’anatomie l’obsède depuis le fameux livre offert par sa mère pour ses 7 ans, à l’hôpital. Le livre est fondateur de sa carrière artistique et le symbole d’une transmission : celle d’un héritage artistique par sa mère passionnée d’art et celle d’un métissage, l’enfant étant de père haïtien et de mère portoricaine.
L’anatomie devient alors la clé pour se projeter au plus profond de l’Homme tout en occultant sa couleur de peau.
Les 18 planches du set « anatomy » qui décortiquent 18 parties du corps humain, toutes d’un même trait blanc sur fond noir, sont probablement parmi les plus symboliques de la dualité de l’artiste. La tradition picturale du noir sur blanc est inversée car Basquiat est lui même un artiste noir dans un milieu de blancs. Cette situation résonne en lui comme une contradiction avec le sens de l’Histoire.
Dès lors il n’assume sa talentueuse réussite artistique qu’en provoquant le rapport de force entre noir et blanc. L’œuvre Rinso sur fond exclusivement noir incarne cette profonde provocation. Le titre vient d’une lessive populaire, introduite au début du XXème siècle, et reconnue pour ses effets blanchissants. Cette lessive décrite de façon ironique par les symboles de l’artiste vient dialoguer sur la toile avec les « no suh no suh » (les cris des esclaves « no sir, no sir »...) et les croix...