Mythologies

Catalogue de l'exposition

L’exposition collective « Mythologies » qui se tiendra à la galerie du 14 octobre au 19 novembre 2021 a pour ambition de réunir les artistes Ivan Messac, Thomas Dreyfuss, Myriam Baudin, Mat&Zekky, Sandrine Donnio Renaud, Lucas Ribeyron et Kouka autour d’une réflexion sur notre époque à travers une appropriation personnelle des mythes.


Entre nostalgie des mythologies anciennes et exploration des mythologies contemporaines, chaque artiste, dans une interprétation libre, questionne la place de l’Homme dans son monde afin de tisser la toile d’une conversation éclairée où le passé, les projections futures, la mémoire, la transmission et les symboles deviennent une matière pour repenser notre époque et tenter de redéfinir la place que nous y occupons.


« Quand j'étais jeune, j'ai longtemps cru à l'idée de progrès, à cette idée que la science et la technique aboliraient un jour toutes les superstitions... Si je m'étais mieux pénétré des mythes grecs, j'aurais compris plus tôt que cette idée que nous devons être « comme maîtres et possesseurs de la nature », pour reprendre la phrase de Descartes, est absurde. Comment pourrions-nous dominer la nature puisque nous en sommes un morceau ? Comment pourrions-nous dominer un tout dont nous sommes une partie ? Pour les Grecs, l'homme est inscrit dans un espace. Il y est enfermé. Et il ne peut le dépasser qu'en comprenant quelle est sa place dans le monde et non en croyant qu'il peut prendre toute la place du monde. » 

Cette réflexion fondatrice de Jean-Pierre Vernant, spécialiste des mythes de la Grèce antique, fait particulièrement écho aux questionnements soulevés par toutes les formes chaotiques auxquelles nous faisons face aujourd’hui : écologiques, sanitaires, sociales, géopolitiques…

L’exposition « Mythologies » se propose d’explorer cette appropriation des mythes et leur vocation à apporter un éclairage bienfaiteur sur le monde en puisant dans la Mémoire des mythologies anciennes mais aussi dans les projections de mythologies contemporaines.


En effet, ces grandes crises d’une part ; et la conscience de masse induite par la multitude de médias, créent un terrain fertile pour la formation de mythologie contemporaine. Les médias numériques unissent les gens de telle façon que chacun agit non seulement en tant que consommateur, mais aussi en tant que complice de la fabrication de mythes.


La mythologie contemporaine est une forme de recherche d'une solution aux contradictions sociales par la construction d'une image fantastique du monde. Elle séduit par la facilité et l’accessibilité des explications de nombreux processus et phénomènes complexes de la vie sociale.


A travers l’autofiction « The coalition of invulnerability » (parution septembre 2021) et la série d’œuvres sur bois associées, le duo féminin MAT x ZEKKY s’appuie sur le haut pouvoir symbolique et allégorique de la mythologie afin de créer un univers inédit et intemporel. Dans ce monde tissé de croyances, de codes, de récits héroïques, où tout suit un cours établi par les dieux, il existe une promesse d’un avenir naturellement tracé.

Chacune et chacun peut ainsi s’inscrire dans le récit en fonction de son expérience et de son histoire pour vivre sa propre odyssée, où tout est encore possible.


Pour la sculptrice Sandrine Donnio Renaud, le tremblement du temps dont nous venons de faire l'expérience nous conduit nous conduit à nous (re)poser la question métaphysique de la place de l’Homme dans ce monde. Le sentiment de vulnérabilité qui habite notre présent pousse à l’introspection.Nous pouvons alors nous interroger sur nos origines, sur le mystère de la mémoire transgénérationnelle, de l’enchaînement des générations, de l’avant et de l’après. L’existence de liens qui nous unissent avec ceux qui nous ont précédés et ceux qui nous survivront offre une forme de refuge, mais comment nous incarner en passeurs d’un monde désirable ?  

Pour Myriam Baudin, la Mythologie a souvent été dans l'art un prétexte à représenter la nudité ; l’artiste lui préfère la référence aux mythes dans un univers cinématographique qui explore le thème de nos conflits intérieurs entre l’être civil et l’être instinctif. 

Par sa verticalité, l’humain veut croire qu’il est le trait d’union entre ciel et terre. Dans sa quête de vérité, il cherche à scénariser la dramaturgie de sa vie intérieure et il s’invente un dialogue avec des forces magiques et surnaturelles qui pourraient le guider durant sa vie terrestre, lui dictant toutes les idées morales.

Entre la liberté de l’animal et le confort civil, son cœur balance.

Où en sommes-nous dans nos échanges avec la nature ? Dialogue ou rapport de force ? La discrète réponse de l’Art lui semble assez proche de la pensée de Pascal : « face à l’univers : effroi, silence et admiration ».


Pour Kouka, dont la démarche est fondée sur la Mémoire des Civilisations avec la symbolique du Guerrier Bantu, l’exploration relève cette fois des mythologies contemporaines dans la continuité de sa série sur l’Utopie. En effet, dans le questionnement de la place de l’Homme, l’artiste projette son guerrier dans la nature (représentée par des dessins de toile de Jouy) et joue sur l’anachronisme symbolique pour redéfinir la place de l’Homme dans son environnement naturel selon la quête d’un retour à l’Essentiel.


Pour Thomas Dreyfuss, la recherche sur l’hybridation vient questionner la mythologie à travers ses personnages à la fois singuliers et archétypiques. Cela renvoie d’une part au métissage que l’artiste explore, partagé entre de nombreux séjours chez les Afar en Afrique (un peuple nomade  originel) et la France,  et d’autre part à sa recherche sur l’hybridation picturale.

En effet, l’artiste déconstruit les environnements pour leur enlever toute forme d’homogénéité afin de les faire transiter, coulisser ; dès lors les perspectives deviennent également ambivalentes et enfin la peinture se joue des contours et des règles pour créer son propre espace d’expression en mouvement. 

Le rapport au spectateur devient instinctif : étrangeté, inquiétude, tension; la narration s’ouvre alors sur une multitude de pistes dans une recherche de sens.


La présence de l’artiste Ivan Messac dans cette exposition collective est particulièrement symbolique.

En effet, l’artiste compte parmi les grands noms du mouvement de la figuration narrative qui place l’image comme incarnation d’une société contemporaine qui joue avec le récit où la métamorphose des formes vient dialoguer avec la symbolique des figures. L’artiste a particulièrement travaillé sur les symboles mythologiques : Narcisse, Aphrodite, Pégase, Hercule… Passionné de Grèce Antique, ses voyages dans le Péloponnèse lui ont inspiré de nombreux croquis de personnages, sites et monuments. 

La symbolique est d’autant plus saisissante qu’elle renvoie à deux expositions majeures du mouvement. L’exposition Mythologies quotidiennes en juillet 1964 au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris qui marque le début de la figuration narrative et qui révèle des artistes très éloignés du formalisme traditionnel pour utiliser l’humour et la dérision afin de détourner des significations premières de la représentation. Messac, encore adolescent en 1964, participera au deuxième volet de cette exposition : Mythologies quotidiennes 2 en 1977.



Lucas Ribeyron utilise le point de vue de la caméra de vidéosurveillance pour nous guider vers le fantastique. Sous cet angle inhabituel, l’artiste nous présente des lieux culturels italiens du tourisme de masse en focalisant le regard sur des détails architecturaux portant sur des sujets mythologiques. Ainsi, la vision fantasmagorique proposée devient le théâtre d’une double mythologie : celle du lieu chargé de mythes et d’histoire et celle des visiteurs d'un monde globalisé. Dès lors des liens se tissent entre Mythologies de Roland Barthes, La Société du spectacle de Guy Debord et les récits antiques. 



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